le corps pensif

le corps pensif

1994-...

On pourrait dire :

les ancêtres,

la figure (projection et autres),

l'interdit de la représentation,

le toucher,

l'aveuglement du contact,

Edesse et Véronique,

les noms et les os,

le reste...

Photogrammes :

La non-vue (privilégier le toucher), l'aveuglement, l'opacité du contact.

Etouffer la lumière entre l'os et la surface sensible, pour qu'il y fasse trace.

Répandre de la lumière autour de l'opaque. Les os négatifs (comme les mains du même nom).

Culte des ancêtres :

Des crânes humains brisés, tout ce qu'il en reste: des fragments,

loin de la forme initiale défaite par le hasard, loin de tout nom, loin du visage.

Toucher l'intime de l'autre : ce qui n'était destiné ni à la vue, ni au toucher, l'intérieur du corps.

Toucher l'intouchable de l'autre (son dedans devenu presque minéral)

Que faire ? En prendre soin, manifester un souci formel à leur égard. Redonner forme à ces fragments.

Manipuler, déplacer, arranger... Engendrer des configurations.

Pourrait-on y lire le faste et le néfaste? Présager, prédire, pratiquer l'ostéomancie?

Mais quel avenir prédire, et l'avenir de qui?

Prétexte:

Ces bouts de crâne - prétexte à un travail.

Pré-texte : l'écriture n'est pas loin.

Genèse de l'écriture (cf. la Chine ancienne, mais la lumière au lieu du feu,

et les crânes humains au lieu des carapaces de tortues).

A chaque apparition le signe est différent.

La lumière entre (entre les morceaux).

La forme : l'os, entre les os.

Travail cérébral, entêté.

Ce qui fait forme, c’est ce qui se passe entre les fragments d’os,

ce que la lumière y dessine en noir, avec l’ombre qui reste blanche.

Ceci dans un espace sans direction, indifférencié,

non orienté, à l’inverse de l’espace du corps.

Photogrammes 30 x 30 cm

Dans ces figures, ce qui fait forme, ce sont les fragments d’os eux-mêmes dans leur configuration,

isolés sur des plages de lumière noire, les fragments du crâne devenus lumineux.

Certains de ces photogrammes ont été reproduits et projetés à grande échelle dans une salle obscure.

L’idéal serait de trouver un équilibre entre les blancs et les noirs,

où l’un et l’autre seraient d’importance égale,

comme dans ces blocs d’écriture arabe dite de style coufi

où le blanc et le noir entrelacés dans le même espace peuvent se lire simultanément :

deux textes, l’un blanc, l’autre noir, coexistent dans le même espace où tout fait signe.

Ce qui est apparu au terme de ce travail n’est pas loin de l’écriture,

du moins de la genèse d’une écriture : comme dans la Chine ancienne,

quand le feu provoquait sur des omoplates de bœuf, et plus tard sur des carapaces de tortue,

des craquelures qui servaient à prédire l’avenir et qui, dit-on, ont peut-être été à l’origine du système d’idéogrammes.

Photogrammes 30 x 30 cm, 13 x 18 cm

Une autre série, réalisée à partir de fragments de crâne,

fait intervenir le temps dans le processus même de construction de l'image.

Photogrammes 18 x 24 cm

La couche sensible ne réagit pas seulement à la lumière, mais aussi à l’incision.

D’où une série obtenue par le seul truchement du contact, sans exposition à la lumière,

en dessinant à l'aveugle les morceaux avec la pointe d'une plume sèche :

je pose chaque morceau de crâne sur le papier photographique et j’en fais le tour avec la pointe d’une plume sèche,

chaque morceau l’un après l’autre, en une série de relevés qui se voudraient les plus exacts possible.

Ces tracés, incisés dans la surface sensible, sont faits à l’aveugle puisqu’ils n’apparaissent que dans le révélateur.

Incisions, 24 x 30,5 cm

Installation et projection

Exposition Aux mêmes moments, ancienne cave coopérative, Montpellier, 1998

Installation, Galerie Jean-Pierre Lambert, Mois de la photo, Paris, 1998

Installation La part du revenant, Montpellier, 2017

A propos du Corps pensif :