l'image suspendue

l’image suspendue

(ou l'art d'accommoder les restes)

1994-...

Comment se débarrasser des rebuts de son travail ?

1- Mettre à tremper les tirages photographiques dans de l’eau. Les grains d’argent dérivent, les images sont à l’eau, en suspension. Le liquide se teinte de noir.

2- Filtrer ce liquide dans un filtre à café.

3- Une fois l’opération terminée, décoller les bords du filtre et l’ouvrir comme un livre, comme des ailes (donner des ailes à l'image? A quelle image?).

L'image est en poudre sur le papier, en désordre.

Si la forme est ce qui donne à croire, que croire? L'agencement des grains d'argent dispersés en signes aléatoires à la surface du filtre? Ou bien la forme du filtre? Aile d'oiseau, ange, papillon, bouche, chape de prêtre, tranchant de hache? Quelque chose en tout cas qui balaie l'espace, l'étale devant nos yeux.

Là où d'ordinaire les images se forment, où elles apparaissent, où elles se déposent, ici elles se défont: leur nouveau support n'est pas le lieu de l'empreinte, mais celui de leur disparition.

Si les traces d'argent sur le papier disent le naufrage de l'image, la tourmente, elles recomposent pourtant selon une projection panoramique une sorte d'espace naturel, à la manière des pierres paysagées. Sur le pourtour inférieur, les éléments terrestres se dessinent en silhouette comme dans un paysage crépusculaire: on y distingue des collines, des forêts, des rochers. Au dessus, l'horizon laiteux du soir ou celui du clair de lune. Au dessus encore, le ciel nocturne, profond, où se mêlent nuages, formes étranges, constellations. Le Vrai Monde?

Epinglés à côté d'autres semblables, ces objets évoquent le début d'une collection.

Retour à la page Accueil