afin que tout nom

afin que tout nom

1985

Ecrire sur l’image photographique latente du corps de chaque animal les noms de tous les autres animaux présents dans le Musée d'Histoire Naturelle de Marseille.

Chaque corps est là au titre de l’espèce, lié à tous les autres par le système de classification où il se trouve pris.

Chacun n’est qu’une forme remplie de paille, rien que de la peau qui simule un corps. Sur cette peau, le fourmillement des noms. Ecrits au révélateur sur l’image latente, ils s’en nourrissent : mots traversés de poils, d’écailles, de plume : ils ouvrent le corps, le dévorent, font éclater la forme. Drôles de viscères.

« Puis l’Eternel Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je lui donnerai une aide semblable à lui. Et l’Eternel Dieu forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux des cieux, et il les fit venir vers Adam, pour voir comment il les nommerait, et afin que tout nom qu’Adam donnerait à chacun des êtres vivants, fût son nom. Et Adam donna des noms à toutes les bêtes, et aux oiseaux des cieux et à tous les animaux des champs ; mais pour l’homme il ne trouva point d’aide semblable à lui. Et l’Eternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur Adam qui s’endormit… »

Genèse 2, 18-21

S’emparer du bonheur des animaux est le but vrai de leur mise au placard, en posséder la clé, le terme de leur nomination. Vidé de chair, réduit à la seule épaisseur de son poil, l’animal n’est plus un : il est partie prenante de la suite déclamatoire, de la longue litanie de l’homme qui le dit, s’y mesure et y compte ses possibles. Son image naît des signes entremêlés de l’énumération : dicté par l’homme au dieu entremetteur, le lexique animal s’y étale.

Elie Pélaquier (1989)

Epreuves NB, 50 x 60 cm environ

Exemplaires uniques